Qu’est-ce qu’une Thangka?
Comment est-elle peinte?

Qu’est-ce qu’une Thangka ? Que représente-t-elle ?

Une thangka est la représentation peinte d’une ou de plusieurs déités ou de bouddhas du panthéon bouddhiste tibétain. Il s’agit d’un « moyen habile » pour la compréhension et la réalisation, sur la voie spirituelle du bouddhisme Vajrayana.

thangka tibetaine bouddha

Il existe plusieurs styles, plusieurs écoles, mais surtout l’ensemble de la thangka est porteur d’une symbolique codifiée en ce qui concerne la déité, ses couleurs, la position de son corps, (dynamique ou statique), la position de ses mains ou mudra, ses attributs (colliers, joyaux, parures, symboles), le support sur lequel elle siège, les ornements du paysage, son entourage, le fond du tableau, …

Traditionnellement le peintre de thangka n’effectue un travail que sur commande, pour une pratique particulière ou pour une situation particulière.
Par exemple, lorsque l’on fait face à des obstacles physiques ou mentaux à la pratique du dharma : on fait appel à Amitayus ou à Tārā blanche, quand un être cher vient de mourir on fait appel  au bouddha Amitǎbha, lorsque l’on est dans une situation d’urgence et de peur : Tara verte, célèbre pour sa rapidité et sa générosité, pour l’enseignement : Maňjuśri brandit l’épée de la sagesse d’une main et tient les feuillets du sutra de la prajňāpāramitā (la perfection de connaissance, les sûtra-cœur du Mahāyāna) de l’autre . Les thangkas sont également des cadeaux qui viennent lorsque l’on atteint des étapes de réalisation ou au commencement d’un chemin à réaliser.

« Une thangka n’est pas un tableau, une représentation mais bien une présence qui nous est donnée non seulement à voir mais à vivre. L’image éveille, convoque une présence en nous. »
Nathalie Gyatso. Vers l’art sacré du tibet.  Editions Claire Lumière

 

 On peut trouver de nombreux types de représentations du très riche panthéon bouddhiste : les différentes figures de Bouddha dont le bouddha Sākyamuni, les divinités courroucées, semi-courroucées, paisibles, avec une tête ou plusieurs têtes, deux mains ou plusieurs mains, des figures prébouddhiques, des grands maitres indiens ou tibétains, des rois, des gardiens des 4 directions, la roue des existences, « l’arbre » d’une lignée d’enseignement ou arbre de refuge, etc …

Ces différentes formes, couleurs, etc. … semblent issues d’une imagination débridée. Pourtant on est loin de la fantaisie. Voilà ce qu’en dit Bokar Rimpoché :

« Cette diversité tient à la nature même des choses. Les possibilités d’expression d’un Bouddha ou de la clarté de l’esprit, sont infinies. »
Bokar Rinpoché. in Petite encyclopédie des divinités. Editions Claire Lumière

Comment est peinte une Thangka?

« Ecrire les dieux » (Lha-dri) est le terme par lequel le tibétain désigne l’art de peindre les thangkas.

La réalisation se fait par le tracé préliminaire de la déité et de l’environnement, selon des règles très précises, sur du coton léger, en tendant la toile sur un cadre de bois. Le dessin est réalisé selon des proportions très codifiées, puis il est peint .

« (En ce qui concerne le Bouddha) D’après un schéma de proportion utilisé au Tibet, les contours du corps assis, sans la tête, s’inscrivent dans un carré qui se reflète dans le carré encadrant la tête, de même que la surface de la poitrine, mesurée entre les épaules et jusqu’à l’ombilic, se reflète, selon une proportion simple, dans le carré de la face. Une proportion décroissante régit les hauteurs du torse, du visage et de la protubérance sacrée sur l’occiput. Ce schéma, dont il existe des variantes, assure l’aspect parfaitement statique de l’ensemble, l’impression d’équilibre inébranlable et serein. (..) Les gestes des mains relèvent de la science des mudras, héritée de l’hindouisme. D’une manière générale, le symbolisme des gestes résulte de ce que la droite correspond tout naturellement au pôle actif de l’univers, tandis que la gauche représente le pôle passif ou réceptif : c’est la polarité de l’essence et de la substance, du ciel et de la terre  » … In Principes et méthodes de l’art sacré. Titus Burckhardt. Ed Dervy Poche

La préparation des couleurs, d’origine minérale ou végétale pour la réalisation de type traditionnel, est longue et délicate. Ces couleurs traditionnelles, contrairement aux peintures modernes type acrylique, ont une meilleure tenue sur la durée. Par apposition de ces couleurs, les plus sombres avant les plus claires, l’artiste dessine selon le respect des mensurations fixées par la tradition, enseignées par ses maître et dans un ordre précis, correspondant aux 5 éléments du manifesté (terre, eau, feu, air, espace), cinq éléments qui correspondent aux qualités de ce manifesté : solidité/force, cohésion, vivacité, mouvement/rapidité, ouverture …

Le peintre finit son travail par l’ouverture des yeux de la représentation. Le dessin sera différent selon qu’il s’agit d’une déité paisible ou courroucée.

« Cela nécessite beaucoup de maitrise et dans certaines traditions, les artistes retiennent leur souffle pour cette réalisation ». in La peinture tibétaine. Jackson. Publications Serindia 

Et, in fine, les thangkas sont serties d’un triple arrangement de tissus (rouge, jaune, bleu).

 

« L’essence des choses est indescriptible : pour l’exprimer on se sert de paroles. La voie royale qui mène à la perfection n’est pas tracée : pour que les initiés puissent la reconnaitre, on se sert de formes. »
Bodhidharma in Principes et méthodes de l’art sacré. Titus Burckhardt. Ed Dervy Poche

Dans la pratique, la Thangka a un rôle pédagogique

Cet art admet une lecture à différents niveaux :

La Thangka permet l’enseignement, elle a un rôle pédagogique vis-à-vis de populations qui étaient autrefois largement analphabètes.

Par ailleurs, dans la pratique du bouddhisme Vajrayana tibétain, le pratiquant va s’entrainer à visualiser de façon de plus en plus précise telle ou telle déité ou Yidam, après en avoir reçu l’initiation. Cette initiation comporte trois parties : la lecture du texte de pratique, l’explication du texte, l’autorisation de la pratique. Pour le peintre également,la peinture est le support d’une pratique spirituelle .

« Essayer de comprendre la signification des Tangkas à travers les textes est bien plus important que d’apprendre à les peindre » Alag Rigpa Rinpoché

 « Dans l’Art des Thangkas, les contraintes viennent de écritures. Cela permet en quelque sorte que vous vous retiriez du tableau. La règle devient alors la condition sine qua non à l’instauration d’un silence qui introduit l’inspiration. Elle peut prendre place lorsque vous avez fait table rase de vos propres préoccupations et largué vos propres références. La vision intérieure a pour garde-fou la règle » in Nathalie Gyatso. Vers l’art sacré du tibet. Ed Claire Lumière

 

peindre une thangka, esquisse
thangka, se peint sur coton léger

Padmasambhava

Celui qui après avoir été négligent,
Devient vigilant,
Illumine la terre,
Comme la lune émergeant des nuées
Paroles du Bouddha
Ed Albin Michel

Esquisses d’une Thangka

Quelques Thangkas ..

Les thangkas connaissent de nombreuses représentations différentes avec entr’autres :

Les grands maîtres indiens du bouddhisme, comme   NAGARJUNA (IIe siècle, MAHAYANA),  les sages indiens qui ont introduit le bouddhisme au Tibet aux VIIIe et XIe siècle : SHANTARAKSHITA, ATISHA.

PADMASAMBHAVA, Guru Rinpoché, le Né du Lotus, le second Bouddha, est à lui seul le symbole vivant de la foi de tout un peuple et l’archétype des maitres spirituels du passé, du présent et de l’avenir. Ses enseignements révèlent que le véritable chemin pour faire avancer l’humanité réside non pas dans la maitrise de l’énergie et des ressources du monde extérieur, mais dans celle du pouvoir infini et de la profondeur de notre esprit, source ultime de paix. (Padmasambhava Ed Seuil Sagesses)

Les boddhissatvas :

TARA ou « libératrice » (en sanskrit), DREULMA en tibétain est la divinité la plus populaire du Tibet avec AVALOKITESHVARA (CHENREZI). C’est la mère qui protège de toutes les difficultés de l’existence et de tous les dangers (et notamment les 8 dangers majeurs extérieurs et intérieurs : les lions et l’orgueil, les éléphants sauvages et la confusion, les serpents et la jalousie, les feux et la haine, les voleurs et les conceptions fausses, la prison et l’avarice, les inondations et le désir, les démons et les doutes). Dans la peine ou le danger, dans la peur, le tibétain prie TARA. Il en existe 21 formes différentes.

« Il est dit que dans sa douleur devant la souffrance du samsara, deux larmes tombèrent des yeux d’Avalokiteshvara ; par les bénédictions des bouddhas, ces larmes devinrent les deux Tara. L’une est Tara sous sa forme verte, qui est la force active de la compassion, l’autre Tara sous sa forme blanche, qui est l’aspect maternel de la compassion. Le nom « Tara » signifie : celle qui nous fait traverser l’océan du Samsara. »

Sogyal Rimpoché

Le livre tibétain de la vie et de la mort, Ed de la table ronde

TARA blanche (DREULKAR) est une divinité de longue vie. Elle est souvent offerte par des disciples à leur maître dans ce but. Elle possède 7 yeux : trois sur le visage, 2 sur les paumes de chaque pied et de chaque main. Le blanc symbolise l’absence des deux voiles cognitif et émotionnel, par ses yeux elle voit la réalité par les trois portes de la libération et met en mouvement la compassion par les 4 qualités sans limite : amour, compassion, joie, équanimité. Elle est très belle, c’est la mère de tous les bouddhas avec une compassion ininterrompue pour tous les êtres.

AVALOKITESHVARA (sanskrit) ou CHENREZI (tibétain), (« l’œil qui regarde les êtres avec une compassion parfaite ») est la divinité dont le mantra est le plus connu : OM MANI PADME HOUNG.

Il en existe de diverses représentations, à 4 bras, à 1000 bras debout, assis … La forme la plus populaire est CHENREZI à 4 bras : qui est blanc : totalement pur et libre de tout voile, avec 4 bras pour les 4 sentiments illimités (amour, joie, compassion, équanimité), deux jambes croisées, unissant la compassion et la vacuité. Tenant le joyau exauçant tous les souhaits des êtres, il tire les êtres vers la libération avec son chapelet. Il possède la connaissance sur laquelle se fonde la compassion, comme un lotus pousse de la vase sans être souillé. Il a une peau de biche sur son épaule, qui symbolise la bonté tournée vers les êtres. Ses différents joyaux témoignent de la richesse des qualités de son esprit éveillé avec 5 soieries comme les 5 sagesses. Les Dalaï lama sont des émanations de Chenrézi.

MANJUSHRI (sanskrit) ou JAMPELYANG (tibétain), qui signifie Douce et Glorieuse mélodie, est jaune orangé.Il personnifie la connaissance de tous les bouddhas. Cette connaissance est ordinaire (les sciences, les arts) et transcendante (c’est la prajnaparamita, qui libère du samsara, avec la découverte de la véritable nature de l’esprit et des phénomènes). L’épée est l’arme de la connaissance, qui coupe les voiles de l’ignorance (ou aveuglement à la véritable nature des choses, leur interdépendance), et le texte est celui des enseignements de la prajnaparamita (absence de réalité en soi de l’individu et des phénomènes)

Petite encyclopédie des divinités et symboles du bouddhisme tibétain. Ed Claire Lumière